Rénovation énergétique : cette mesure qui fait enrager les propriétaires
Le futur projet de loi logement, présenté en Conseil des ministres début avril, permettra de faire voter les travaux de rénovation en petit comité et non plus en assemblée générale. Quitte à forcer la main à ceux qui ne veulent ou ne peuvent payer ces travaux.
Les propriétaires sont en colère …
Hier, c’étaient la fiscalité et l’encadrement des loyers qui leur posaient problème. Aujourd’hui, ce sont les travaux de rénovation. À l’origine de leur colère, une mesure prévue dans le projet de loi logement qui doit être présenté en Conseil des ministres le 4 avril. Elle autorise le gouvernement à «clarifier, moderniser et adapter les règles d’organisation et de gouvernance de la copropriété» par ordonnance, selon l’article 60 du projet de loi (voir ci-dessous).
L’exécutif souhaite accélérer les prises de décision, notamment en matière de travaux de rénovation des immeubles, qui reposent sur la loi du 10 juillet 1965. «Nous voulons préserver la qualité des immeubles et éviter que certaines copropriétés ne dépérissent, explique-t-on au ministère de la Cohésion des territoires. Notre but n’est pas de restreindre les droits des copropriétaires mais de réfléchir à la façon dont nous pourrions éviter les blocages lors des votes. Le système actuel est grippé».
Le projet de loi pourrait s’appuyer, pour cela, sur un rapport que le Groupe de recherche en copropriété, composé d’avocats, de géomètres, de notaires et d’universitaires, a remis fin 2017 aux ministères de la Cohésion des territoires et de la Justice, chargés du dossier. Il préconise de donner plus de pouvoir au conseil syndical qui déciderait, entre autres, des grands travaux de rénovation plutôt que de les faire voter en assemblée générale. Une structure qui ressemble au conseil d’administration des entreprises. Pour l’instant, ce conseil n’assure que la gestion de l’immeuble avec le syndic.
«La gouvernance dans les copropriétés doit évoluer mais le conseil d’administration n’est pas l’outil le plus pertinent puisqu’il ne concernerait que les copropriétés de grandes tailles (plus de 100 lots) soit 10% des copropriétés françaises, affirme Frédéric Verdavaine, directeur général adjoint de Nexity. Il faut à la fois tenir compte de la taille des copropriétés – et pourquoi ne pas raisonner à l’échelle du quartier? – et utiliser des moyens adaptés aux usages d’aujourd’hui (signatures électroniques, convocations dématérialisées…). Ils peuvent endiguer le mal endémique des assemblées générales que représente l’absentéisme.»
«Dans certains cas (lancement d’études, de diagnostics), laisser le conseil d’administration décider seul ne posera pas de problème, répond de son côté Mathieu Mialaret, directeur métier copropriété du groupe Foncia. Mais dans le cas de gros travaux où l’on ne tient pas compte de l’avis d’une majorité de copropriétaires, le risque existe. Pour éviter cela, nous proposons la mise en place systématique d’un plan pluriannuel validé par l’AG, qui listerait les travaux à réaliser dans les dix prochaines années».
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Une dizaine de milliers d’euros de coûts
Pour les copropriétés de plus petite taille, l’idée serait de faire voter ces travaux de rénovation à la majorité simple (qui ne tient compte que des copropriétaires présents à l’assemblée générale) et non plus à la majorité absolue. Selon l’UNPI, la fédération qui représente les propriétaires, «ce n’est pas le vote qui empêche les travaux de rénovation mais le coût. «Quid des petits copropriétaires qui n’auraient pas les moyens de payer ces travaux?, s’interroge Pierre Hautus, directeur général de l’UNPI. Si le gouvernement passe en force, nous craignons la faillite de certaines copropriétés».
Les travaux de rénovation énergétique (isolation thermique, remplacement de chaudière ou encore remplacement de fenêtres) coûtent souvent entre 10.000 et 20.000 euros par copropriétaire. Confirmation avec ces exemples, fournis par Nexity: à Eaubonne (95), chaque propriétaire d’un immeuble de 534 lots a dû débourser pas moins de 12.000 euros pour ses travaux. Idem pour un autre bâtiment de 72 lots, situé à Grenoble (38): la facture s’élève à 14.000 euros par copropriétaire. Elle a même grimpé jusqu’à plus de 19.500 euros à Mulhouse pour un immeuble de 88 lots. À chaque fois, les mêmes travaux: isolation et/ou remplacement de chaudières. C’est l’isolation qui coûte souvent très cher car sans isolation, la note est moins salée pour remplacer des équipements de chauffage.
Plus de quatre Français (41%) ne touchent aucune aide de l’État dont ils pourraient pourtant bénéficier, selon un sondage réalisé par OpinionWay. La raison? Ces dispositifs sont méconnus ou peu utilisés parce que trop complexes. «Beaucoup sont assis sur des bouquets de travaux (exemple: isolation de la toiture + remplacement des fenêtres + changement de chaudière) qui ne sont pas adaptés au rythme de vie et d’entretien d’une copropriété», explique Mathieu Mialaret.
Les propriétaires, dont la moyenne d’âge en France est de 60 ans, rechignent également à faire ces travaux car le retour sur investissement est souvent supérieur à dix ans alors que la détention moyenne d’un appartement avoisine les 7 à 8 ans. Ce sont donc souvent leurs successeurs qui en profitent. «Rénover les immeubles est aussi une garantie de préservation de la valeur des appartements», rappelle le ministère de la Cohésion des territoires qui précise qu’aucune décision n’a encore été prise à ce jour. «Les premières pistes seront dévoilées dans trois ou quatre mois», ajoute l’entourage de Julien Denormandie, secrétaire d’État du ministre de la Cohésion des territoires.
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