Roubaix: « Votre maison à 1 € avec travaux »
« Environ 20 % moins cher que le prix du marché »
C’est une première en France. Inspirée par l’exemple de Liverpool, la mairie de Roubaix propose des maisons « à un euro avec travaux ». Un premier appel à candidature pour 17 habitations sera lancé mercredi. Objectif: redynamiser les quartiers les plus défavorisés de la ville nordiste où se sont multipliées les maisons murées. Durée: 00:48
Des briques noires, salies par le temps. Une porte et des fenêtres obstruées par des parpaings. À l’étage, des planches en bois. Au bout de la rue Bourdaloue, là où elle se cogne à la rue de Condé, à Roubaix (Nord), cette petite maison ne fait pas tâche. Les trois plains pieds en face sont dans le même état, puis la grande maison encore à côté. En fait, c’est tout le quartier du Pile qui semble avoir été muré.
Quelques mètres plus loin, Nathalie nettoie son pas-de-porte. « C’est triste, hein… » Le spectacle dure depuis plusieurs années. Au point d’en devenir lassant. « Ça va être des maisons à 1 €, je crois… C’est bien, mais il serait temps que ça avance leur affaire. Nous, ça nous attire des rats, et puis il y a des gens qui squattent. »
Les maisons à 1 €, ça a été toute une histoire à Roubaix. À partir du 21 mars, elles seront 17 à être proposées à la vente. L’idée a été lancée en 2014, piquée par l’équipe du nouveau maire, Guillaume Delbar (droite, ex-Les Républicains), à Liverpool, en Angleterre. Une ville au passé industriel, comme Roubaix. Et les mêmes difficultés aujourd’hui : chômage, friches, logements vacants, mauvaise réputation… Dans les années 70, des pans entiers de Roubaix ont été rasés. Mais d’autres, comme Le Pile, sont restés dans leur jus. Dans ce quartier pauvre de la ville qu’on dit le plus déshérité de France, les maisons type « 1930 » s’étendent à l’infini, bien serrées, dans un dédale de rues et de courées. Mais les gens les délaissent. L’ex-capitale mondiale du textile avait encore 115 000 habitants à la fin des années 1960. Ils sont environ 94 000 aujourd’hui…
« Je vais en acheter 1000… »
La municipalité propose donc un deal gagnant-gagnant : des maisons en mauvais état cédées pour quasiment rien, en échange d’une remise à neuf. Au début, tout le monde n’a pas bien compris la notion de « remise à neuf ». Hamid, qui grandi au Pile, y revient pour voir sa mère. Il raconte l’emballement général des débuts : « Les gens étaient fous. Ils disaient : “Je vais en acheter 1000 et je vais devenir riche “. Ils ont rien compris… » Depuis, les conditions ont été spécifiées, pour dissuader les margoulins en tous genres : il faudra être primo-accédant et s’engager à vivre pendant six ans dans le bien. Dans la sélection, priorité sera donnée aux familles – les 17 maisons proposées ont entre deux et cinq pièces – et aux gens qui travaillent sur Roubaix. Passage devant le notaire prévu début 2019. Pour éviter tout nouveau malentendu, la mairie s’emploie bien à parler de « maisons à un euro avec travaux » dans ses publications. Le montant de ces réparations oscille entre 70 000 et 100 000 euros, selon des évaluations d’architectes. Ce qui, au final, ne sera pas bien éloigné du prix des maisons 1930 dans le marché de l’immobilier privé. Celle de Nathalie, par exemple, était vendue 95 000 €. « On a négocié pour l’avoir à 90 000 », précise-t-elle, pas peu fière.
« On nous a abandonnés… »
En tout cas, l’initiative roubaisienne est scrutée : « La métropole et la Région participent au financement de l’opération [environ 750 000 €, N.D.L.R.]. Pour l’instant, on expérimente, mais l’idée ce serait de dupliquer le principe ailleurs, notamment en zone rurale ou semi-rurale », assure la mairie.
Déjà, une commune des Deux-Sèvres a fait de même. Ailleurs, des villages ont proposé des terrains à 1 euro le m². À chaque fois, il s’agit d’endroits où, comme dans ce coin des Hauts-de-France, on s’arrache les cheveux pour ne plus perdre d’habitants.
À Roubaix, que peuvent 17 maisons contre cette tendance de fonds ? Pas grand-chose. La mairie, qui multiplie les programmes de réhabilitation urbaine, le sait.
Au point de lasser les habitants des quartiers concernés. Une maman de six enfants, voisine de Nathalie, crie son ras-le-bol : « Le quartier se vide et ce qui reste, on nous l’enlève. On nous a abandonnés. Avant, il y avait une bibliothèque ambulante, c’est fini. Même les programmes contre les poux, à l’école, ont été enlevés. Mes gosses en ont plein la tête… Moi, si je pouvais, je partirais. »
Il ne faut pas prendre au pied de la lettre un cri du cœur. Le bibliobus s’arrête toujours, tous les mercredis midi, sur la place du Pile, quelques rues plus loin.
Mais les colères, comme les haines, sont d’autant plus tenaces qu’elles ne sont pas toujours justifiées.
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